QU’EST-CE QU’UN BOLO ?

 

 

 

            Un BOLO commence lorsque des personnes qui partagent une philosophie, un style de vie, des traditions, des goûts, des envies ou des passions diverses, s’associent sur la base d’un accord mutuel, afin d’« organiser l’entraide, et l’échange extra-monétaire de services et de fonctions culturelles concrètes ». A terme, cette association doit aboutir à la constitution d’un véritable lieu de vie : un ensemble de bâtiments où la communauté (quelques centaines de personnes) peut manger, discuter, créer, dormir, aimer, travailler, se soigner, etc. Ces bâtiments peuvent avoir été construits pour l’occasion, ou récupérés dans l’espace bâti existant et détournés de leur fonction première pour servir les intérêts et les goûts esthétiques de ceux qui y vivent.

Les BOLOs sont « le coeur d’un nouveau mode personnel et direct d’échanges sociaux », qui remplace les rapports fondés sur l’argent par une économie du don (don d’objets ou don de temps, sous forme de services), et dans les cas où celui-ci est impossible, par des accords de troc (pour les échanges mutuels, réguliers et permanents de biens et de services). La propriété privée est remplacée par le système de l’usage collectif pour tous les objets et services utilisables en commun (voitures, appareils ménagers, meubles, piscines, terrains de sports, bibliothèques, etc.), ce qui offre le double avantage de mettre les équipements luxueux à la portée de tous et d’éviter la multiplication inutile des choses qui peuvent servir à plusieurs personnes en même temps. Pour les objets personnels, il est prévu une forme limitée de propriété privée : un récipient de 50x50x100 cm dans lequel chacun peut mettre ce qui lui est cher, le tenant ainsi éloigné des yeux et des mains de la collectivité.

Afin d’être indépendant, le BOLO doit être autosuffisant pour tout ce qui concerne la nourriture quotidienne de base, la réparation et l’entretien des bâtiments et outils ; mais il ne fonctionne pas non plus en autarcie : l’un des principes de base du BOLO est l’obligation d’hospitalité, selon laquelle chaque BOLO doit pouvoir accueillir des invités ou des voyageurs à hauteur de 10% de sa population totale. Chaque membre d’un BOLO, de même qu’il est libre de rester seul ou de former des groupes plus petits que le BOLO (groupe de parenté, bande d’amis, club, etc.), peut conclure à l’extérieur des arrangements particuliers avec des membres d’autres BOLOs. Et des BOLOs eux-mêmes peuvent se fédérer pour former « un espace communal de démocratie directe, avec ses services publics, ses industries coopératives, ses institutions régulatrices ».

L’un des intérêts du BOLO vient de la « réintégration d’une grande partie de la production industrielle et des fonctions d’un système ultra-diversifié  dans l’espace du voisinage, du quartier ou de la ville », ce qui permet de réduire les inconvénients écologiques et financiers de la prolifération de moyens de transports et de livraisons sur grandes distances. D’une manière générale, l’objectif du système est de vivre mieux et de travailler moins, tout en réduisant la production industrielle.

 

Le BOLO est né dans l’imagination de l’écrivain P.M., qui en a exposé les principes en 1983 dans BOLO‘BOLO (publié en allemand [Verlag Paranoia City, Zürich] et traduit en anglais [Semiotext(e) Autonomedia, Brooklyn NY], en français [Editions de l’Eclat, Paris 1998], en italien, en néerlandais, en portugais, en russe, en chinois et en arabe). Il s’agissait de prendre acte du fait que « la vie sur cette planète n’est pas aussi agréable qu’elle pourrait l’être », et d’examiner les moyens de remédier à cet état de fait. Le BOLO apporte la solution au problème des échecs successifs des organisations du mouvement ouvrier dans leur entreprise de transformation radicale de la société, que ce soit par la voie de la réforme des institutions ou par la voie de la révolution sociale. Le BOLO présente l’originalité d’être à lui-même son propre moyen et son propre but : il lui suffit de se répandre comme nouvelle forme d’organisation de la vie en collectivité pour remplacer, au fur et à mesure, les anciennes conditions d’existence. Selon P.M., il n’y a donc aucune nécessité d’attaquer de front le capitalisme et l’Etat pour les abolir : à terme, les BOLOs les auront tout simplement rendu superflus. A l’aide d’un langage idéogrammatique créé de toutes pièces (IBU, BOLO, SILA, TAKU, etc.), BOLO‘BOLO décrit méticuleusement le fonctionnement de ces futurs organes de la vie sociale que seront les BOLOs, ainsi que les étapes de transition entre la situation actuelle et leur fédération définitive à l’échelle planétaire (c’est-à-dire « BOLO‘BOLO »). L’ouvrage de P.M. est en somme un retour à la bonne vieille tradition de l’Utopie, mais le pragmatisme avec lequel chaque problème concret y est envisagé, de même que les expériences historiques qui préfigurent le système décrit, permettent aussi d’envisager ce livre comme un programme sérieux pour une transformation du monde. Comme le dit P.M., « bien que BOLO‘BOLO ait débuté comme un simple recueil de désirs, nombre de réflexions sur la possibilité de réalisation de ces désirs se sont ensuite accumulées autour de lui. BOLO‘BOLO peut être réalisé à l’échelle mondiale en cinq ans si nous commençons maintenant. »

 

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